Un coup d’œil américain sur notre affreux système

Tout le monde ne connaît pas l’anglais, et de loin. Et ceux qui comprennent cette langue ne lisent pas tous The New York Times, et de loin. En ce jour de Noël, pourtant, ils feraient bien, car ce très grand quotidien américain nous offre un vrai cadeau (c’est ici). Sous le titre Algues vertes, mort des oiseaux, une carte effacée : les sales secrets des subventions agricoles européennes, une équipe de quatre journalistes rend une enquête impeccable.

On ne peut tout traduire ici, et c’est dommage. L’accueil est déjà un programme : on y voit une grande photo de la plage du Bon-Abri, dans la baie de Saint-Brieuc, dépotoir français de l’agriculture industrielle. À perte de vue d’épouvantables amas d’algues vertes. Les élus bretons qui soutiennent ce système inepte se rendent-ils bien compte des dommages qu’ils infligent à une région qu’ils prétendent aimer ?

Premier mouvement ensuite, l’affaire de la carte disparue. Le Times raconte une réunion qui s’est tenue au printemps de 2017, dans le cadre d’un groupe de travail de l’Union européenne. On y discute – ritournelle bien connue – du « verdissement » de la politique agricole. Passe sur l’écran, au-dessus des têtes des participants, une carte. Elle montre par superposition les liens flagrants entre les aides européennes et le niveau de pollution des sols dans le nord de l’Italie. Les lobbyistes ne sont pas contents, car il y a des lobbyistes dans la salle. Ils le disent. Pas question d’avaliser un document qui comporterait cette carte. Les officiels de l’Union, qui savent qui commandent vraiment, murmurent leur désapprobation. La carte est jetée aux oubliettes.

Mais le Times, l’ayant retrouvée, la publie, et même si vous ne comprenez pas l’anglais, vous pigerez de suite. L’Union – cette Europe-là – n’est pas la solution, elle est le problème. Commentaire avisé du journal : « l’Europe dépense presque 40 % de son budget dans ces programmes, et de récentes enquêtes du Times ont montré qu’il soutient des forces antidémocratiques à travers le continent, et qu’il est administré par des officiels qui bénéficient de ces aides ».

Deuxième développement : la mer Baltique. Très petite – les 2/3 de la France -, presque fermée, elle est farcie de pollutions historiques lourdes, et risque bel et bien de devenir une vaste dead zone, une mer morte privée d’oxygène à cause des proliférations d’algues. Le Times fait un état des lieux renversant. L’élevage industriel polonais est largement subventionné par l’Europe, et la production intensive ne cesse d’augmenter. Les phénoménales quantités de lisier filent irrésistiblement vers la Baltique, via deux grands fleuves, l’Oder et la Vistule. Ce lisier porteur de nitrates y provoque comme chez nous des marées vertes et des blooms algaux, c’est-à-dire des explosions d’algues bleues ou vertes. Mais regardez plutôt les photos satellite ! On voit la pollution dans la mer Baltique depuis tout là-haut !

Au moment où la présidente de la Commission européenne – Ursula von der Leyen – annonce un « “green deal” européen pour ralentir le réchauffement de la planète » (lire ici), il faut s’interroger sur le sérieux du propos. Le Times : « Les responsables européens ont dit pendant des années que le “verdissement” des projets de loi agricole aiderait à réduire les émissions, à préserver les prairies et à sauver la faune sauvage; ignorant ceux qui trouvaient ces efforts trop vagues et trop modestes. Des années de recherche scientifique et de documents internes ont montré les échecs de ces réformes. Phil Hogan, qui était jusqu’à récemment le commissaire européen à l’agriculture, a déclaré (…) : “Nous savons maintenant que cela n’a pas fonctionné” ».

On lira pour finir quatre focus qui rendent malade. Aux Pays-Bas, où l’agriculture industrielle tue massivement nos si chers oiseaux. La perdrix a perdu 90% de ses effectifs en trente ans. A Bruxelles, où le changement de politique agricole n’est pas au programme. A Hilion, en Bretagne, où le combat stérile contre les algues vertes s’éternise. Sur les bords de la Baltique enfin, où l’on ne trouve plus ni vers marins, ni palourdes, ni mollusques. Janez Potočnik, ancien commissaire européen à l’Environnement : « Si vous êtes récompensé pour détruire l’environnement, eh bien, vous le détruisez ! ».

On en est là, à l’heure des vrais choix fondamentaux. Non ?

Les tripatouillages du ministère (sur les pesticides et les ZNT)

La décision vient de tomber, comme un coup de gourdin : ce sera entre 5 et 10 mètres (cliquer ici). Ridicules jusqu’au bout, nos belles autorités «imposent» donc une distance dérisoire d’épandage des pesticides par rapport aux habitations. C’est évidemment une pure folie, qui révolte au plus profond. Nos gouvernants préfèrent donc faire plaisir à la FNSEA et à l’industrie agrochimique.

Le ministère de la Transition écologique publie dans le même temps les résultats de la consultation publique sur ces mêmes distances, qui s’est déroulée du 9 septembre au 4 octobre 2019. Première évidence: les maîtres du lieu ont planqué jusqu’au dernier moment (cliquer ici) le bilan de cette consultation, qui a recueilli 53.674 contributions. C’est un record national.

Cela ne pouvait pas durer, il fallait rendre compte. Et le ministère s’est résolu à le faire (cliquer ici) en prenant quelques précautions qui font rire jaune. Mais avant cela, lisons ensemble le document. Il commence par un gros mensonge (en gras dans le texte), misant sur le fait que beaucoup n’iront pas plus loin: «De façon générale, l’ensemble des contributions illustre l’existence au sein de la population de positions très contrastées sur la question de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques et de la mise en place de zones de non-traitement aux abords des habitations».

On tente, dans cette même introduction, d’opposer ceux –«nombreux sont les participants»– qui refusent les pesticides, et ceux –«une partie importante des contributeurs» – qui les défendent. Évidemment, il s’agit d’un procédé qui vise à masquer l’évidence: la société demande la fin du système et seule une petite minorité le défend encore.

On n’est pas obligés d’approuver, mais en réalité, au détour des phrases, c’est le texte officiel lui-même qui rétablit la vérité. Notons, dans le désordre des pages intérieures «Une majorité de contributeurs se prononçant pour une augmentation des distances réglementaires», «Pour un grand nombre de contributeurs, la question excède la seule considération de la distance», «Les répondants s’inquiètent également des risques liés aux “perturbateurs endocriniens”, aux produits “mutagènes et reprotoxiques”, aux “nano-particules” et aux problèmes génétiques. Certains se préoccupent des risques encore “peu étudiés” liés à un “effet cocktail” des différents produits», «Le terme “poison” revient très souvent dans les contributions», «Les riverains, dont certains témoignent en tant qu’agriculteurs ou issus de famille d’agriculteurs, s’inquiètent pour leur santé: une très large majorité demande des distances réglementaires supérieures voire très supérieures (plus de 150 mètres) à celles proposées, notamment en raison de la crainte liée à la volatilité des produits», «À noter que beaucoup de témoignages sont issus de riverains de vignes et de cultures hautes telles que les noyers ou pommiers», «Pour de très nombreux contributeurs, la dangerosité et la toxicité des produits phytosanitaires n’est plus à démontrer», «Pour toutes ces raisons, un grand nombre de participants souhaitent l’interdiction pure et simple de l’ensemble des traitements chimiques employés dans l’agriculture».

Mais ce n’est pas tout. Rusé, pour ne pas dire retors, le texte officiel emploie des formules comme «De nombreux contributeurs se prononçant contre l’arrêté considèrent qu’un durcissement de la réglementation est un non-sens». Le lecteur pressé lira «de nombreux contributeurs», mais celui qui prend son temps comprendra que l’on ne parle que de ceux qui refusent la moindre distance d’épandage. Si 10 personnes sont contre toute distance et que 7 parlent de non-sens, alors en effet, «De nombreux contributeurs se prononçant contre l’arrêté considèrent qu’un durcissement de la réglementation est un non-sens». Rebelote avec la saisissante formule: «La très grande majorité des agriculteurs se prononçant contre l’arrêté partage ce sentiment de dénigrement systématique de leur activité».

Vous lirez à la suite de cet article un extrait extraordinaire du texte officiel, qui fait chaud au cœur. Monte en France le sentiment qu’il faut repenser l’agriculture dans sa totalité. Contrairement à ce que prétendent les lobbies, la FNSEA et l’industrie agrochimique, nous ne sommes évidemment pas contre les paysans. Nous condamnons une pratique criminelle, et pour le reste, oui, clamons-le, nous avons un immense besoin de paysans. Nous en voulons des millions, pratiquant une agriculture sans pesticides, économe en eau, respectueuse de la biodiversité, seule susceptible de nous aider à faire face au dérèglement climatique.

Dernier commentaire sur le texte: il ment épouvantablement par omission. Car il ne cite opportunément aucun chiffre. Il eût été d’une simplicité biblique de réaliser des courbes, d’indiquer des pourcentages, de truffer le document de camemberts permettant de comparer le nombre des adversaires des pesticides et les autres. Mais alors, le château de cartes se serait écroulé, et la supercherie aurait été dévoilée. Dites, amis tripatouilleurs, ça vous embêterait de publier des chiffres?

.————————————

Un extrait très réjouissant

Les contributeurs attendant la suppression des pesticides ou la mise en place de politiques ambitieuses pour réduire leur utilisation soutiennent en grande majorité la transition de l’agriculture traditionnelle vers une agriculture durable, intégrant les pratiques dites raisonnées et bio (biocontrôle, permaculture, agroécologie, agroforesterie, bio maraîchage, biodynamique, etc.) et la valorisation des pratiques liées (semis sous couvert direct, utilisations de produits naturels, pratiques sylvo-pastorales etc.)

Ces nouveaux modes d’agriculture sont considérés par les contributeurs qui y sont favorables comme une garantie de pratiques « responsables et respectueuses ». En parallèle, il est également rappelé par les contributeurs favorables à la mutation de l’agriculture qu’il existe une « forte demande » des consommateurs qui traduit une mutation profonde de la société qui devrait inciter les agriculteurs au passage à une agriculture bio sans risque financier majeur « tout en maintenant une compétitivité ». Cette « révolution profonde et urgente » doit répondre à grande échelle au défi de protection des populations et de la biodiversité : « tout en luttant contre le problème sanitaire des pesticides, on lutte contre l’appauvrissement des sols ».

Elle passe selon les contributeurs par plusieurs leviers :  •La question de l’appui, principalement financier et technique, à ce mode d’agriculture apparaît comme un préalable majeur pour une grande majorité de contributeurs. La volonté politique, aussi bien au niveau national qu’européen via la Politique Agricole Commune (PAC), est perçue comme un levier clé pour un changement de paradigme et un encouragement vers de nouvelles conversions.

Il est ainsi souhaité un meilleur système d’aides à l’investissement et à la conversion en agriculture biologique, considérée comme « une pratique d’avenir ». Un appui humain est également attendu à travers des réseaux locaux « de conseillers agricoles capables d’épauler et de guider les agriculteurs » sur le modèle des Groupes d’Étude et de Développement Agricole (GEDA) mis en place par certaines Chambres d’Agriculture. •Le financement de ces politiques pourrait passer par une taxation sur les produits phytosanitaires ou les productions dites conventionnelles, par « un plan national de crowdfunding » ou par la mise en place de  « contrats à impact social qui tiendraient compte des futures économies de santé améliorée, de pollutions évitées, etc. ».

En parallèle, des facilitations fiscales, comme« une suppression de la TVA » sur les productions biologiques pourraient également être un soutien majeur à la transition de l’agriculture. L’appui à la recherche de la part des pouvoirs publics, « avec l’appui de l’ingénierie agronome », est également évoqué par plusieurs contributeurs comme un levier clé d’un déploiement généralisé de l’agriculture durable (variétés, techniques, pratiques, etc.). Une collecte et un partage des expériences et bonnes pratiques apparaissent également pertinents pour soutenir massivement la transition agricole.

La question de la formation, notamment des jeunes agriculteurs dès le lycée agricole, apparaît également comme un sujet central pour de nombreux contributeurs. Les formations aujourd’hui dispensées sont ainsi considérées comme « trop tournées sur des modes de production intensifsdes années 70 et 80 ». Ces nouvelles formations pourraient permettre à l’avenir d’accorder  aux agriculteurs maîtrisant les pratiques de l’agriculture durable des « permis de cultiver ». Il est par ailleurs rappelé que l’adaptation des formations doit aussi concerner les ouvriers agricoles qui sont souvent les principaux utilisateurs des produits phytosanitaires.

La mise en place des zones de non-traitement (ZNT) sont perçues par de nombreux contributeurs comme de potentiels lieux pour des « expérimentations de nouvelles pratiques », pas nécessairement bio, mais proposant d’ores et déjà de nouvelles pratiques plus respectueuses des enjeux sanitaires et environnementaux. Il est ainsi souhaité que ces espaces, qui pourraient bénéficier d’« aides spécifiques », puissent faire l’objet de modes de gestion et d’exploitation innovants (implications d’agriculteurs bio, de riverains ou d’associations de défense de l’environnement, etc.) et bénéficier d’un label spécifique pour leur fonction de « territoire de transition ».

Des mesures de protection spécifiques pour les parcelles conventionnelles qui jouxtent souvent les parcelles biologiques sont également souhaitées, ces dernières ayant « le droit de ne pas subir de traitements non consentis ». L’instauration de distances minimales d’épandage de produits phytosanitaires « à proximité des productions certifiés agriculture biologique » apparaît ainsi nécessaire sur des distances a minima équivalentes à celles prévues par le projet d’arrêté vis-à-vis des lieux d’habitation.

.

.

Castaner veut fliquer les Coquelicots

Attention, ce n’est pas une blague. Et si c’en était une, elle ne serait pas drôle. Le 13 décembre, Christophe Castaner s’est rendu dans le Finistère (cliquer), accompagnée par sa grande amie Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, qu’on ne présente pas ici . Le déplacement s’inscrivait dans le cadre d’une convention signée en toute simplicité par le ministère de l’Intérieur – l’État, donc, l’intérêt public, donc – et la FNSEA. On en apprend tous les jours.

Que venait faire le ministre ? Installer une cellule – quel joli nom – de la gendarmerie nationale appelée à lutter contre l’agribashing. Si. Rappelons que la FNSEA – ne jamais oublier qu’elle ne représente, via les élections aux chambres d’Agriculture, que 25% des paysans de France – a inventé ce terme (cliquer) pour encore grappiller subsides et soutiens de l’appareil d’État. Il faut avouer que cela marche. L’idée est qu’une coalition de vilains mène une entreprise de dénigrement systématique des paysans.

La cellule gendarmique porte le nom souverain de Demeter, déesse grecque des moissons et, au passage, nom d’une marque prestigieuse de l’agriculture biodynamique qu’exècre la FNSEA. Elle aura vocation à traquer, partout en France, les marques d’hostilité à l’encontre de…De quoi, d’ailleurs ? De la FNSEA, du modèle agricole, de l’élevage concentrationnaire, de l’omniprésence des pesticides ? On ne le saura pas, car l’objectif est évidemment de faire peur à tout le monde.

Dans les textes officiels du ministère, on trouve des phrases prodigieuses (cliquer ici). L’édito du ministre commence ainsi par cette phrase d’anthologie : « Depuis quelques années, un phénomène grandit, inacceptable. De plus en plus, nos agriculteurs sont visés par des intimidations, des dégradations, des insultes ». Précisons à ce stade que c’est pure foutaise, toute révérence gardée à la personne de ce cher Castaner. Nul en France, pas même la police ou la gendarmerie, n’est capable de prouver par des faits qu’un « phénomène grandit ». On ne sait pas de quoi on parle, on ne dispose d’aucun chiffre, ni même d’un nombre de plaintes en hausse. Du vent.

Mais cela n’empêche pas la politique, cette politique-là du moins. Dans un mélange extravagant, Castaner définit le périmètre de la cellule Demeter en y inscrivant les vols, les cambriolages, les dégradations diverses, les installations de « gens du voyage » sur des terres agricoles, les actions anti-fourrure, anti-chasse, les tournages de vidéos « clandestines ». Cela serait déjà effarant, mais le ministre va plus loin encore en visant « des actions de nature idéologique, qu’il s’agisse de simples actions symboliques de dénigrement du milieu agricole ou d’actions dures ayant des répercussions matérielles ou physiques ».

Y a-t-il besoin d’une traduction ? Les actions symboliques, c’est NOUS, les Coquelicots. Comme seule la gendarmerie et la FNSEA disposent de la définition du « dénigrement », il n’y a aucun doute que notre mouvement, constamment non-violent, est dans le viseur. On cherche à disqualifier, puis à réprimer la critique de l’agriculture industrielle, qui tue les hommes, les bêtes, les plantes.

Comme il n’est pas encore interdit de se moquer, notons que le même document policier évoqué plus haut détruit sans s’en rendre compte son pauvre échafaudage. Énonçant ses propres statistiques, Castaner livre quelques chiffres censés appuyer son propos. En 2019, il y aurait eu « 14 498 faits enregistrés » au « préjudice du monde agricole ». Un toutes les deux heures ! Ce chiffre « terrible » a été aussitôt repris par les bons amis médiatiques de M.Castaner (https://www.youtube.com/watch?v=6Ys6uux47iU), mais il faut chausser ses lunettes pour comprendre la manipulation.

Les « faits » en question couvrent les cambriolages, les vols – ceux avec violence ont chuté de…31,4% -, les vols de voitures, le vol de gros matériel agricole, etc. Sur la base de 440 000 « exploitations agricoles », les chiffres précis paraissent simplement loufoques : 314 tracteurs volés ! 24 vols avec violence ! 657 voitures dérobées !  Moi qui ai grandi en Seine-Saint-Denis, en partie dans la cité de Montfermeil Les Bosquets, je ne peux constater qu’une chose : la plupart des paysans n’ont jamais croisé le moindre vilain. En revanche, ils disparaissent un à un, par la grâce d’une politique plébiscitée par la FNSEA.

Comment conclure ? On verra, certes, mais ne nous trompons pas : c’est grave. La cellule Demeter, selon les mots même du ministre, devra permettre, avant tout, « d’améliorer [la] coopération avec le monde agricole et de recueillir des renseignements ». Le (gros) mot est lâché. Renseignement. Sans sombrer dans une parano inutile, ce mot signifie, dans l’univers policier, les filatures, les écoutes téléphoniques, voire les infiltrations. On tâchera de s’en souvenir, mais sans aucun doute, nous voila en face d’une nouvelle inquiétude.

L’ANSES s’enfonce dans le déni sur les SDHI

L’ANSES répond au mouvement des Coquelicots. Dans un courrier électronique daté du 9 décembre – on le trouvera dessous ce texte – la direction de l’Agence chargée de la sécurité sanitaire entend s’expliquer sur le dossier des SDHI. De nombreux Coquelicots de France et de Navarre ont en effet adressé des lettres exprimant désarroi et colère à propos de ces pesticides que nous tenons pour des poisons publics.

Le premier commentaire sera une hypothèse formulée par l’un de nos petits doigts. Un ministère de tutelle aurait recommandé à l’ANSES d’enfin répondre à une demande formulée par une grande association française, forte d’un million de soutiens. Mieux vaut tard que jamais.

Pour le reste, nous sommes assez stupéfaits par le texte lui-même, qu’il ne sera pas trop difficile de décortiquer. Pour commencer, difficile de ne pas appeler mensonge une affirmation aussi déconcertante. Lorsque l’Anses écrit, en gras qui plus est, « Il n’y a pas d’alerte sanitaire », il faut se pincer pour y croire. Le 19 novembre 2019, la Commission nationale déontologie et alertes en santé publique et environnement (CnDAPse) – agence indépendante créée par la loi du 16 avril 2013 – écrivait en toutes lettres : « La CNDASPE a informé les ministres chargés de l’Environnement, de la Santé, de la Recherche, de l’Agriculture, des Sports que le signalement reçu sur les dangers des SDHI est constitutif d’une alerte ».

Il faudra donc croire, mais ce sera difficile, que l’ANSES, héritière via l’AFSSA et l’AFSSET de tant de conflits d’intérêt, est mieux qualifiée que personne pour reconnaître l’existence d’une alerte de santé publique. Pour nous, cette dernière est flagrante, et nous tenons nous aussi au gras dans le texte.

Sans surprise, l’ANSES entreprend ensuite, mais en vain, de disqualifier la très solide étude de Bénit et Rustin, publiée dans la revue scientifique PlosOne le 7 novembre dernier (http://endsdhi.com/wp-content/uploads/2019/11/2019-Benit-et-al-version-fran%C3%A7aise-PlosOne-19.pdf). Passons sur la fantaisie qui consiste à tenir des études in vitro en quantité négligeable. Faut-il rappeler que l’homologation officielle des pesticides repose justement sur ce genre de travaux ?

Mais il y a pis. A-t-on bien lu PlosOne ? L’essentiel du travail des chercheurs établit une vérité qui dérange : les SDHI ne sont nullement spécifiques. S’ils prétendent viser les champignons pathogènes, ils ciblent également les cellules de vers de terre, d’abeilles, et d’humains, précisément. Et compte-tenu de leur mécanisme d’action – l’inhibition de la SDH -, ils menacent en fait tout le vivant. Conseillons aimablement à l’ANSES de retourner à l’article scientifique.

La suite n’est pas plus réjouissante. L’ANSES feint d’ignorer une faute morale et scientifique dont elle est pourtant l’auteur. Elle entend retourner contre ceux qui en parlent – le mouvement des Coquelicots, l’équipe Rustin, madame Delphine Batho, députée – une précieuse étude parue en 2012 (http://endsdhi.com/wp-content/uploads/2019/09/graillot2012.pdf), qui montre la génotoxicité d’un des principaux SDHI, le bixafen. Il faut un certain culot pour écrire que cette étude « n’est pas plus concluante [que celle de PlosOne] en ce qui concerne un impact éventuel sur la santé humaine ». Car non seulement ce travail apporte des preuves scientifiques, mais l’ANSES n’en avait ENCORE JAMAIS PARLÉ. Jamais ! Le meilleur moyen de ne pas être entravé par ce qui gêne, c’est de l’oublier. Dans son si curieux rapport sur les SDHI de janvier 2019, les « experts » de l’ANSES omettent ce travail remarquable. De même qu’il est laissé dans les oubliettes un travail solide de 1976, Carboxins : powerful selective inhibitors of succinate oxidation in animal tissues. Les carboxines, précurseurs des SDHI d’après 2013, y sont pointées comme toxiques pour les mammifères, dont nous sommes jusqu’à plus ample informé.

La malignité du texte de l’ANSES ne s’arrête pas là, qui écrit, toujours en gras : « l’expérience montre qu’une étude isolée, non confirmée par d’autres approches scientifiques et d’autres publications, ne peut apporter à elle seule un niveau de preuve suffisant ». Eh bien, il n’y a pas bien loin à chercher. Sur un site de haute tenue scientifique (http://endsdhi.com/aller-plus-loin/articles-de-recherche), pas moins de 19 études sont disponibles au format PDF, qui apportent un démenti éclatant aux propos de l’ANSES.

Que reste-t-il de la réponse ? Trois fois rien. L’Agence estime avoir fait son travail en réunissant un groupe de quatre « experts », dont trois ne connaissaient pas le sujet et dont le dernier était dans une situation de grave conflit d’intérêt. Elle a refusé la présence dans ce groupe de Pierre Rustin, spécialiste mondial des maladies mitochondriales, porteur de connaissances uniques. Bien entendu, l’ANSES ne s’explique aucunement sur le silence de six mois – entre octobre 2017 et avril 2018 – avant de seulement considérer l’alerte sur les SDHI. Et pas davantage sur l’incroyable réception de huit chercheurs, dont Benit et Rustin, en juin 2018.

Pour quelle raison l’ANSES s’arc-boute-t-elle sur une position indéfendable ? Encore deux informations qui alourdissent le dossier. Le tribunal administratif de Nice vient d’annuler l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) que l’ANSES avait pourtant accordée en 2017 pour deux pesticides, le Transform et le Closer. Ils étaient censés remplacer les néonicotinoïdes interdits, mais ils en étaient eux-mêmes ! Or la directrice-adjointe de l’ANSES – en 2017 -, madame Françoise Weber, avait fait le voyage en avion jusqu’à Nice pour défendre ces pesticides. Est-ce bien le rôle d’une agence de protection sanitaire ?

La deuxième information, saisissante, concerne la santé des paysans. Une actualisation de la très officielle AgriCan, étude portant sur 181 842 paysannes et paysans de France, vient de rendre des résultats aussi limpides qu’effrayants. Les éleveurs, à cause du pesticide lindane, ont deux fois plus de risques d’avoir un cancer de la prostate que la population générale. Et développent bien plus de myélomes – +25 % chez les hommes, +22 % chez les femmes – et de lymphomes – +47 % chez les hommes, +55 % chez les femmes. Commentaire du chercheur Pierre Lebailly (Inserm, Centre François Baclesse), interrogé par Ouest-France : « Les agriculteurs développent un risque professionnel de cancers liés à l’utilisation de pesticides. »

Le mouvement des Coquelicots déplore une fois de plus le déni dans lequel s’est enfermée l’ANSES, agence dont nous rappelons qu’elle est publique, payée sur fonds publics, au service de la société et non pas de l’industrie. Nous demandons à sa direction de changer son comportement et de se rendre à l’évidence scientifique : les SDHI sont un danger immédiat pour tout ce qui est vivant.

Le mouvement des Coquelicots, le 9 décembre 2019

—————————–

Le courrier de l’ANSES aux Coquelicots


Madame, Monsieur,

Vous nous avez écrit pour relayer l’appel des Coquelicots à interdire sans attendre les SDHI « au nom de la science ».

Nous le répétons et tenons à vous en assurer : au regard des connaissances aujourd’hui disponibles, il n’y a pas de raison scientifiquement valable de craindre un risque sanitaire pour l’Homme et l’environnement, dans les conditions d’usage autorisées en France pour ces produits. 

Il n’y a pas aujourd’hui d’alerte sanitaire !

Vous pouvez trouver des informations détaillées concernant les travaux de l’Agence sur le traitement de l’alerte sur les SDHI en cliquant sur les liens suivants : #SDHI1  #SDHI2

L’Anses est une agence d’expertise scientifique dont la mission principale est de vous protéger et de prévenir les risques que nous rencontrons dans notre vie quotidienne.

Notre compétence repose sur nos 1000 scientifiques et sur plus de 800 experts scientifiques externes – chercheurs issus des organismes de recherche et universités françaises, de l’Inserm, du Cnrs, de l’Inra – qui contribuent à nos travaux d’expertise et s’emploient chaque jour à remplir avec compétence et indépendance la mission d’intérêt général dont l’Agence a été investie. Notre financement est assuré et contrôlé par l’Etat.

Vous évoquez dans vos messages une étude publiée le 7 novembre dernier dans la revue scientifique PLOS One montrant une toxicité des SDHI sur des cellules en culture. Comme l’écrivent les auteurs eux-mêmes dans cet article, il est « extrêmement  hasardeux » de comparer les valeurs obtenues in vitro, dans des conditions de laboratoire, avec les concentrations de SDHI qui pourraient résulter des applications des pesticides sur les cultures. L’étude de 2012 que certains d’entre vous mentionnent n’est pas plus concluante en ce qui concerne un impact éventuel sur la santé humaine, et ses auteurs n’ont pas apporté d’élément supplémentaire depuis lors.

De façon générale, s’il arrive fréquemment qu’une publication scientifique nouvelle constitue un signal d’alerte pour une agence scientifique comme l’Anses, l’expérience montre qu’une étude isolée, non confirmée par d’autres approches scientifiques et d’autres publications, ne peut apporter à elle seule un niveau de preuve suffisant.

Ceci nous ramène donc à l’action menée depuis près de 2 ans par l’Anses en réponse au signalement de Pierre Rustin sur les SDHI, pour tenter de préciser la validité de l’hypothèse proposée. 

Pour se faire, l’Anses s’est conformée à ses procédures de traitement des alertes :

–          constitution d’un groupe d’expertise collective en urgence constitué de chercheurs compétents en toxicologie et d’autres sciences utiles, des scientifiques reconnus, extérieurs à l’agence et issus de la recherche publique,

–          signalement et échanges avec les autorités sanitaires homologues à l’Anses au niveau européen,

–          examen de l’ensemble des connaissances scientifiques disponibles sur la substance, ses mécanismes d’action, sa toxicité, à la fois  in vitro (sur cellules) et  in vivo (chez l’animal),

–          examen des données issues des réseaux de surveillance et de vigilance coordonnés par l’Anses (tels les centres anti-poisons) pour s’assurer de l’absence de signal d’un effet sanitaire.

A l’heure actuelle, aucune alerte sanitaire n’a été donnée sur les SDHI, dans aucun pays. Toutefois, notre vigilance reste constante et l’Agence a décidé de continuer ses travaux d’évaluation des risques.

En suivant les recommandations de son collectif d’experts, l’Agence a décidé notamment de renforcer le socle de connaissances sur ces fongicides en mobilisant la communauté scientifique :

–          nous avons octroyé plus d’1 million d’euros au financement de recherches sur les SDHI,

–          nous avons demandé à l’Inserm, l’Institut national de recherche médicale, de prendre en compte l’étude de PLOS One et d’autres travaux récents sur les SDHI dans l’expertise collective que l’Institut mène actuellement pour actualiser les connaissances sur les effets des pesticides sur la santé,

–          nous avons renforcé la surveillance d’effets éventuels des fongicides SDHI chez les agriculteurs et appelé à la vigilance les autorités sanitaires européennes et nord-américaines,

–          nous nous sommes saisis de la question des expositions cumulées aux différents fongicides SDHI via l’alimentation, saisine dont nous publierons les résultats au cours du premier semestre 2020.

Nous espérons que vous serez ainsi convaincus que l’Anses prête attention à la question des SDHI, qui fait d’ailleurs partie des sujets qui seront évoqués dans le cadre de notre plateforme de dialogue sur les produits phytopharmaceutiques avec les différentes parties intéressées par ce sujet.

Des associations comme Générations Futures ou France Nature Environnement y participent, pourquoi pas les Coquelicots ? Que risquez-vous à accepter notre proposition d’échanger en « live » et en profondeur avec nos experts des pesticides ?

Sur le sujet des pesticides, vous serez peut-être intéressés d’apprendre que l’Agence délivre ou refuse les autorisations de mise sur le marché de ces produits sur base des études des industriels, mais aussi en tenant compte des publications scientifiques récentes. Qu’elle est attentive aux signaux de risques, d’où qu’ils viennent, et qu’elle n’hésite pas à retirer immédiatement les autorisations dès lors qu’une alerte est fondée, ce qu’elle fait régulièrement. Que depuis la création de l’Anses en 2010, le nombre de produits phytopharmaceutiques bénéficiant d’une autorisation en France a baissé de 40 %.

Si notre réponse à votre question est longue, c’est que nous sommes attentifs à vos inquiétudes, que le sujet est complexe et demande de la précision, et que l’information sur nos actions concernant les SDHI et les pesticides en général ne semble pas être arrivée jusqu’à vous.

Nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’assurance nos meilleurs sentiments.

La direction de l’Anses.

Témoignage: faire signer dans les supermarchés, ça marche!

Au courrier du jour :106 signatures en à peine plus d’une heure

Avec Véro, Isabelle et Patrice nous avons vécu une expérience très positive dans le hall… un peu froid… de l’intermarché de Prades le Lez (34). Véro avait amené la banderole, une table pliante et deux chaises. Nous avions des feuilles à signer et des stylos et ça c’est fait le plus naturellement du monde.

Certaines personnes, je le jure, se sont précipité sur le stylo pour signer, un plaisir. D’autres fallait les tirer un peu par la manche, mais à peine. Il y a eu quelques refus, gens pressés, un contre déclaré… mais rien de désagréable… On a rigolé plusieurs fois. On a eu la sympathique visite d’une coquelicot de Prades. On a pris conscience que beaucoup de gens n’avaient jamais entendu parlé de Nous voulons des coquelicots… Il faut aller vers les gens, c’est clair. Alors si l’intermarché est toujours d’accord, on le refera!

Bon we

Roland toujours plus motivé

La lettre à envoyer au directeur/trice de la grande surface: https://nousvoulonsdescoquelicots.org/wp-content/uploads/2019/09/operation-supermarche.zip

L’ANSES aime tant les pesticides

L’affaire commence en septembre 2017 (ici). L’ANSES – agence publique chargée notamment de la sécurité sanitaire de tous – autorise la mise sur le marché de deux pesticides à base de sulfoxaflor, le Closer et le Transform. Nous sommes alors dans un contexte singulier pour l’agrochimie : les néonicotinoïdes massacreurs d’abeilles sont – enfin – sur le point d’être interdits. Pour l’industrie, cette perte de chiffre d’affaires est insupportable.

Heureusement vient le sulfoxaflor. C’est nouveau, jurent les firmes, et cela n’a rien, absolument rien à voir avec les néonics. Mais les apiculteurs ne s’en laissent pas conter, eux qui voient leurs abeilles mourir chaque année par milliards. L’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), notamment, proteste. Le sulfoxaflor est en fait un nouveau néonicotinoïde, qui pénètre dans toute la plante et se retrouve dans le pollen, le nectar et le jabot de l’abeille. Dès 2014, l’agence européenne EFSA établissait dans un rapport (ici) la toxicité aiguë du sulfoxaflor sur les abeilles.

Étrange, non ? Pourquoi l’ANSES ne tient-elle pas compte des menaces certaines sur les abeilles et, peut-on penser, sur quantité d’autres espèces sauvages ou domestiques ? Presque aussitôt, en octobre 2017, nos amis de Générations Futures de leur côté (ici), Agir pour l’Environnement et l’Unaf du leur lancent des recours contre les Autorisations de mise sur le marché du nouveau poison par l’ANSES.

Et ça devient passionnant. Car la suite se passe devant le tribunal administratif de Nice, le 23 novembre 2017. La directrice générale adjointe de l’ANSES, Françoise Weber, a fait le déplacement – sur fonds publics, j’imagine -, accompagnée par des cadres de l’agence. Non pour voler au secours de la santé publique – pensez -, mais pour soutenir le détestable produit (ici). Le juge suspend pourtant l’autorisation accordée par l’ANSES, dans l’attente d’un jugement sur le fond. Et cette décision, malgré un appel de l’agrochimie, est confirmée par le Conseil d’Etat.

La grande nouvelle, qui date d’hier, c’est que le tribunal administratif de Nice annule purement et simplement les autorisations de mise sur le marché, ce qui constitue un camouflet inouï à l’ANSES (ici). Le tribunal, s’appuyant sur le principe de précaution, a estimé que « le sulfoxaflor, qui entre dans la composition de ces pesticides et a pour effet d’agir sur le système nerveux central des insectes, était susceptible, en l’état des connaissances scientifiques de présenter un risque de toxicité important pour les insectes pollinisateurs ».

La bagarre ne sera pas terminée de sitôt, raison de plus pour être heureux quelques minutes. L’ANSES a perdu, et il n’est pas interdit de faire des rapprochements avec le si lourd dossier des SDHI.

Quand l’industrie invente le Siècle vert

Comme c’est mignon. Quand l’UIPP – cette Union des industries de la protection des plantes regroupe Bayer-Monsanto, Syngenta, BASF – a des idées, elles sont (presque) splendides. Singeant le désopilant Grand débat national de Macron au printemps dernier, elle organise ces jours-ci son Grand débat national siècle vert (ici).

A partir de ce jeudi 5 décembre, elle plante tente et bateleurs à Saint-Quentin, dans l’Aisne, pour trois jours de propagande commerciale en faveur des pesticides. L’Académie d’agriculture, antre assumé de l’agriculture industrielle, lui accorde sa caution (ici). Il y aura une expo, un plateau télé, un marché de produits pesticidés, et même, car ces gens sont courageux, un “espace d’expression libre”.

Je ne sais combien les communicants de l’opération auront facturé à l’industrie, mais je gage que cela paiera des vacances lointaines à plus d’un publicitaire. Lisez plutôt le dépliant qui vante 100 ans d’exploits empoisonneurs, et convenez que c’est du lourd :

« C’est une parcelle de temps qui, à l’échelle de la planète, ne représente peut-être rien !
Et pourtant, au regard des défis à relever pour un « demain durable », Ce centenaire, c’est peut-être tout !

« Tout » parce que, bien que critiqués, nous restons convaincus que la Santé des plantes est un des piliers de notre « Ecosystème Terre ».
« Tout », parce que nous sommes au cœur d’une équation devenue vitale :
Nourrir l’humanité d’aujourd’hui sans hypothéquer son environnement de demain.

Depuis 10 décennies, chercheurs, agriculteurs et pouvoirs publics ont initié un élan sans précédent pour préserver le lien ancestral entre l’Homme et la terre.
Pour assurer une attention toute particulière à cette matière si nourricière. Ce centenaire, c’est celui des découvertes et des évolutions.
Un siècle de progrès qui aujourd’hui et encore plus demain, doit permettre de protéger les cultures tout en préservant l’Homme et l’environnement.

C’est en unissant toutes les convictions si opposées puissent-elles paraître ; en quantifiant précisément les impacts, si complexes puissent-ils être ; et en reconnaissant tous les bénéfices, si induits puissent-ils sembler, qu’ensemble nous parviendrons à cultiver notre « capital nature ».

Nous souhaitons célébrer le centenaire d’une mission faite d’avancées, de progrès et de dialogues, pour « Toujours mieux protéger ».

Une mission commune à toutes les natures, à toutes les agricultures…

parce que ce centenaire marque aussi l’avènement d’une nouvelle ère, nous souhaitons, qu’avec tous, ce soit celui du « siècle vert ».

A ce stade, ce n’est plus du mensonge, c’est un manifeste dadaïste ! Moi qui ai beaucoup écrit sur l’histoire des pesticides en France, je peux vous dire que l’UIPP et son ancêtre la Chambre syndicale de la phytopharmacie (CSP) ont été associés à la diffusion des pesticides les plus cinglés – le lindane, le DDT, le chlordécone, les néonicotinoïdes, les SDHI aujourd’hui -, par la grâce de leurs excellents amis du ministère de l’Agriculture. Deux services de l’Etat se sont déshonorés dans l’entreprise : le Service de la protection des végétaux (SPV) et la Direction générale de l’alimentation (DGAL).

Un point parmi 100 autres : qui siégeait entre 1969 et 1980 dans les commissions officielles chargées des autorisations de mise sur le marché du chlordécone ? En toute simplicité, des représentants de la CSP, puis de l’UIPP après sa fondation le 27 mars 1980. Et notamment le lobbyiste-en-chef de ces structures, François Le Nail. Sûr que le Siècle Vert saura lui rendre hommage.

Souviens-toi de ton futur, un film pour l’avenir

Une viticultrice bio, un couple créateur de jardin, deux éleveurs de brebis qui relancent le pastoralisme et un producteur de purins végétaux : des visages de l’agroécologie en Dordogne. Pour eux, le modèle dominant n’est plus tenable. Ils prennent un autre chemin et font face à la nécessité de changer pour survivre. Alors, au fil des saisons, chacun d’entre eux tâche de réinventer son travail et sa vie. Comment parviendront-ils à apprivoiser leur liberté?

Nous voulons des Coquelicots soutient ce film.

A venir:

– 04/12 : Ciné Débat avec Daniel Cueff à Saint-Aubin du Cormier en Ille-et-Villaine
– 04/12 : Ciné débat avec Nous Voulons des Coquelicots à Paris 
– 09/12 : Ciné Débat avec Nous Voulons des Coquelicots à Besançon
– 16/12 : Ciné Débat avec la réalisatrice Enora Boutin et le responsable du potager du roi à Versailles (séance à confirmer).

Télécharger le dossier pédagogique, en appui pour les séances débats.

L’ANSES ne veut pas parler aux Coquelicots

Il y a quelques jours, j’adressai à monsieur Roger Genet, directeur-général de l’ANSES, un courrier que vous pouvez lire ici. Je lui demandais en résumé ceci :

“ Je vous écris cette lettre à la demande de « Nous voulons des coquelicots », puissante association populaire. Nous n’avons pas encore eu l’occasion de nous rencontrer, et je le regrette. Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Ecrivant mon livre consacré aux SDHI, Le crime est presque parfait, j’ai sollicité à de nombreuses reprises des rendez-vous avec des responsables de l’ANSES, qui n’avaient hélas jamais le temps de me recevoir. Ni souvent de seulement me répondre.

Le temps ayant passé, je suis convaincu que vous pourrez dégager une petite demi-heure, à n’importe quelle heure de n’importe quel jour, de manière que nous puissions enfin nous parler directement. Moi, en tout cas, je serai là”.

Or voilà que monsieur Genet me fait ce vendredi 29 novembre au matin une belle surprise : il me répond (c’est ici). Le petit malheur, c’est qu’il fait semblant. Je gage qu’un(e) communicant(e) lui aura dicté cette attrayante missive. Qui contient aussi sa part d’humour, involontaire je le crains. Car que me dit monsieur Genet ? Fort aimablement, il rappelle en préambule que je lui ai demandé un entretien, de manière que nous puissions échanger sur la question des pesticides et singulièrement des SDHI, qui nous menacent tous – humains et non humains – d’une nouvelle catastrophe.

S’agissait-il de ma part d’une manœuvre ? Ma foi non. Certes – et je l’assume – je me suis livré dans mon livre à une critique radicale de l’ANSES. Mais toujours du point de vue de la défenses des écosystèmes et de la santé publique. Il n’est jamais agréable d’être à ce point vilipendé, mais j’affirme ici que je souhaite réellement voir monsieur Genet. Je rappelle que se déroule le procès du Mediator, des laboratoires Servier et de ses nombreux lobbyistes. Mutatis mutandis, nous sommes dans le même sujet. Et même s’il n’y avait qu’une chance sur mille d’ébranler monsieur Genet, cette chance, je la courrais mille fois. Par-delà tant d’évidentes différences, divergences, oppositions même, ne sommes-nous pas des humains, lui et moi ?

Je ne doute pas qu’il l’est. Mais un humain peut aussi utiliser la ruse quand il est en difficulté, et c’est bien ce que fait monsieur Genet dans sa réponse. Il ne veut à aucun prix d’une rencontre – mes arguments, fondés sur des faits indiscutables, sont solides, croyez-moi -, et donc, ainsi qu’on dit désormais, il botte en touche. Toute sa lettre pèse le poids lourd de la langue de bois, au point que sa conclusion en devient évidente. Il n’écrira pas qu’il refuse de me voir – pardi, surtout pas ça ! -, mais que je dois m’inscrire sur une plate-forme numérique où, tous les trois mois, des gens inconnus discutent dans des formats préfabriqués. Dites-moi, monsieur Genet, est-ce bien cela, le service public ?

Eh oui, vous êtes un service public, payé sur les deniers de la République – les nôtres – et quand le représentant d’un million de citoyens vous demande une demi-heure de votre temps si précieux, ne pensez-vous pas que vous avez le devoir d’accepter ? Moi si.

Un dernier point. Vous ne dites pas un mot de mon livre, et cela m’intrigue un peu. Il contient quantité d’informations exclusives, dont certaines ont sûrement et fortement déplu au siège de l’ANSES. Mais ces informations, sont-elles exactes ? Si oui, ma foi, nous sommes bel et bien dans la logique du scandale d’Etat. Mais si non, que ne répondez-vous ? Pourquoi un tel silence qui, à ce stade, vaut pour moi confirmation ? Vraiment, monsieur Genet, quelque chose ne tourne pas rond dans cette sinistre affaire des SDHI.

Quant à moi et pour finir, je continue à vous demander poliment, au nom du puissant mouvement des Coquelicots, une rencontre. Après tout, peut-être disposez-vous de lumières qui n’ont pas encore éclairé mon esprit. Avec les fortes et sincères salutations de

Fabrice Nicolino

Où sont passés les documents sur le chlordécone ?

Où sont passés les documents ? Derrière cette question se cache le lobby des pesticides. Celui qui parvient à mettre sur le marché des molécules ultratoxiques – DDT, lindane, malathion, atrazine, fenthion, paraquat, chlordécone, néonicotinoïdes, SDHI, tant d’autres – avant d’éventuellement les interdire des décennies plus tard, quand les profits ont été engrangés.

Où sont passés les documents ? En France, depuis l’après-guerre, l’homologation des pesticides est un scandale permanent. L’agrochimie a fait la pluie et le beau temps dans les commissions officielles, faisant même siéger certains de ses membres ès qualités. Une structure essentielle du ministère de l’Agriculture, le Service de protection des végétaux (SPV) accordait le sésame officiel – l’équivalent des Autorisations de mise sur le marché (AMM) de l’ANSES aujourd’hui – grâce auquel on pouvait vendre des poisons. Ses chefs successifs, entre 1945 et 1990 – André Vézin, le docteur Pouthiers, Pierre Dumas, Lucien Bouix, Pïerre Journet, Jean Thiault – étaient tous en lien étroit avec le lobby des pesticides créé en 1945 par Fernand Willaume, notamment au travers de la revue Phytoma.

Où sont passés les documents ? Aux Antilles françaises, ces hommes ou leurs successeurs ont accordé en 1981 une AMM au chlordécone, pour utilisation massive dans les bananeraies. Qui a signé leur papier, engageant au passage une indiscutable responsabilité-culpabilité ? Edith Cresson, première des ministres de l’Agriculture de François Mitterrand.

A cette date, le ministère de l’Agriculture SAIT que le chlordécone est l’un des pires poisons chimiques. Il a été interdit aux Etats-Unis en 1976 après un scandale sanitaire – des dizaines de travailleurs d’une usine d’Hopewell (Virginie) victimes de graves troubles neurologiques – qui a fait le tour du monde. Le ministère SAIT, mais impose le chlordécone.

Où sont passés les documents ? Le 1er février 1990, l’AMM du chlordécone est enfin retirée. Mais le nouveau ministre de l’Agriculture Henri Nallet, socialiste lui aussi, accorde le 5 juin une dérogation de deux ans au poison. Nallet a travaillé jusqu’à l’âge de 30 ans pour la FNSEA, et sera pendant vingt ans, à partir de 1997, lobbyiste des laboratoires Servier, responsables du cauchemar appelé Mediator.

En mars 1992, un troisième ministre socialiste de l’Agriculture, Louis Mermaz, accorde une nouvelle dérogation d’un an. En février 1993, Jean-Pierre Soisson, qui a pris sa place, offre six mois de plus aux empoisonneurs. Le chlordécone continuera d’être utilisé, illégalement cette fois, mais grâce à des complicités qui n’ont pas été recherchées.

Où sont passés les documents ? Un pesticide interdit dès 1976 aux Etats-Unis aura donc été massivement épandu en France de 1981 à 1993. En cette fin d’année 2019, 92% des Martiniquais et 95% des Guadeloupéens ont du chlordécone dans le corps. D’une stabilité rare, ce toxique ne sera dégradé dans les sols que dans environ 400 ans. Il provoque des cancers, des maladies neurologiques et de la fertilité, une hypertrophie du foie, etc. Les Martiniquais détiennent le record du monde du nombre de cancers de la prostate pour 100 000 habitants. Des études de haut niveau – celles du professeur Luc Multigner – relient nettement l’exposition au chlordécone et ces cancers.

Où sont passés les documents ? Ce mardi 26 novembre, la Commission d’enquête parlementaire sur le chlordécone rend son travail, qui sera rendu public le 2 décembre. Elle ne vous racontera pas cette histoire, pour des raisons qui la regardent. Notons qu’il eût été surprenant que son président, le député socialiste de la Martinique Serge Letchimy, aille au bout d’une affaire qui devrait conduire devant la Cour de Justice de la République madame Edith Cresson, messieurs Nallet et Mermaz, tous socialistes, et monsieur Jean-Pierre Soisson.

Où sont passés les documents ? La Commission parlementaire a en tout cas confirmé ce que l’on savait déjà. Tous les documents concernant la Commission des toxiques entre 1972 et 1989 – la ComTox pour les initiés – ont disparu. Pour dire les choses avec un peu plus de clarté, ils ont été détruits. Et s’ils l’ont été, c’est qu’ils disaient pour une fois la vérité sur le lobby des pesticides.

Bien entendu, aucune enquête n’aura été diligentée. Comment une telle masse de documents ont-ils pu s’envoler du siège de la Direction générale de l’alimentation (DGAL), ce centre nerveux du ministère de l’Agriculture qui a géré si abominablement la question des néonicotinoïdes tueurs d’abeilles ? Poser la question, c’est entrevoir la réponse. VisibilitéPublierFormat de publicationÉpingler en haut du blogEn attente de relectureAuteur